J’ai connu mon frère à l’âge adulte. À ma naissance, 13 ans nous séparaient déjà. Mes parents l’ont envoyé comme pensionnaire dans un collège privé. J’ai vécu mon enfance loin de lui. Je me souviens d’une poupée blonde qu’il m’avait expédiée de l’Allemagne où il faisait son stage de cuisine.
Il s’est marié peu après son retour au pays, je nageais en pleine adolescence. J’avais peu d’intérêt pour aller le visiter dans sa nouvelle ville. Loin de chez nos parents, sa propre famille maintenant bonifiée de deux marmots n’était pas mon premier choix de destination lors de mes trop vite passés week end.
Après l’université, j’ai tenté ma chance comme avocate en pratique privée. Il m’a donné un sérieux coup de main financier. Il était fier de moi, content d’aider sa petite sœur. Malgré les occasions familiales, je n’avais pas développé de lien affectif ou de complicité avec lui. Nous n’avions aucun souvenir commun, deux vies parallèles. Partager les mêmes parents ne fait pas de nous des êtres complices.
Lorsque j’ai vendu ma pratique, il m’a offert un emploi dans son entreprise. Je n’avais pas droit à l’assurance emploi et mon bilan financier était plus que négatif. Il m’a ouvert sa maison, son lieu de travail. Il m’a donné la stabilité dont j’avais grandement besoin. Cette année-là, j’ai appris à connaitre sa conjointe et j’ai appris à le connaitre lui: son sens de l’humour noir, sa générosité, son solide caractère, sa manière optimiste de voir la vie.
Adulte, j’ai connu mon frère et par le fait même j’ai appris à me connaitre un peu plus. Deux vies en parallèle mais combien de points en commun : des valeurs partagées, celles du travail bien fait, du respect d’autrui, de la conviction profonde que si on y met les efforts nécessaires, tout peut arriver…même la « vraie » rencontre d’un frère et d’une sœur après tant d’années.

