Savons-nous nous fier à notre intuition? Accorde-t-on assez d’importance à cette petite voix intérieure qui nous conseille, nous prévient ou nous affole, au moment de prendre de petites ou grandes décisions?
Pour ma part, adulte, j’ai trop souvent ignoré les différents signaux qui prennent naissance parfois dans le coeur, d’autre fois dans le corps et regretté par la suite de ne pas avoir accordé assez de place à ces sentiments qui pourtant auraient été des guides extraordinaires.
Très jeune, j’ai vécu deux expériences qui auraient pu être traumatisantes. Avec mes yeux d’adulte aujourd’hui, je revois ces deux événements comme des signes que même enfant, nous avons un sixième sens. Est-ce l’instinct de survie ou une protection qui vient de plus grand que soi, je ne sais pas. Je me souviens que vers l’âge de 6 ou 7 ans, je m’amusais seule à glisser dans une aire de jeux située face à la résidence pour aînés de ma grand-mère paternelle. Son appartement était situé du côté opposé du parc où je me trouvais. Un homme s’est approché avec sa grosse voiture. On est dans le milieu des années 70. Il sort de son véhicule et franchi la clôture qui ceinture le parc. Il s’approche de la glissoire où je me trouve. Je suis tout en haut de l’échelle. Il est maintenant au bas et se met à me parler. Je ne me souviens pas de ses paroles, toutefois je peux facilement me rappeler lui avoir indiqué que j’étais en visite chez ma grand-mère en pointant du doigt l’un des balcons où il y avait quelqu’un d’assis. J’ai fait un signe de la main au loin, comme si c’était effectivement ma grand-mère. Peut-on appeler cela de l’intuition de ma part? Je ne crois pas que j’ai réalisé à ce moment-là le danger que représentait la présence de l’homme. J’en ai pris conscience que plus tard. Mais qu’est-ce qui m’a, à ce jeune âge, amenée à réagir de la sorte et inventer la présence rassurante de ma grand-mère pour repousser le danger imminent que représentait la présence de l’homme dans cet espace réservé aux enfants?
J’ai vécu un épisode similaire vers l’âge de 11 ou 12 ans. J’étais chez les scouts et faisais du porte à porte en début de soirée, afin de vendre des calendriers pour financer nos activités. J’avais le sentiment d’être suivie par une voiture, depuis un certain temps. Apercevant effectivement une voiture tantôt immobilisée, tantôt en marche roulant dans ma direction, je me suis cachée dans le stationnement d’un commerce de remorquage. La dite voiture s’est immobilisée et a fait quelques allers-retours face à l’endroit où je me trouvais. Je suis restée tapi jusqu’à ce que je me sente à l’aise de prendre un chemin différent et de retourner à la maison le plus rapidement possible.
Une fois adulte, j’ai l’impression d’avoir délaissé cette petite voix intérieure. Combien de fois l’ai-je ignorée pour ensuite le regretter? Je sais que lorsqu’il s’agit principalement de relations amoureuses, j’ai fait fi de cette belle intuition pour accepter des situations qui n’étaient pas à mon avantage. Vers l’âge de 40 ans, je me suis mise en couple avec un homme qui ne me convenait pas, parce que que je croyais qu’il était temps de me « caser ». Pourtant, lors de la recherche d’une propriété à acheter ensemble, j’ai bien senti que nos valeurs ne se rejoignaient pas. J’ai eu des signaux intérieurs, comme de petits panneaux d’arrêt-stop, pour m’indiquer que je faisais fausse route. J’ai fait la sourde oreille et mis cela sur le compte de ma peur de l’engagement. J’ai regretté par la suite d’être allée de l’avant, d’avoir vendu ma première propriété pour acheter cette belle maison dans les Laurentides qui finalement avait l’allure de prison. J’ai patienté trop longtemps vers le chemin de la sortie, mais j’y suis arrivée avec résilience en me disant que je ne passerais plus jamais outre ma petite voix intérieure.
L’intuition m’a servie aussi au travail. Maintes fois, dans ma jeune carrière, j’ai fait confiance à mes tripes. Comme avocate, j’ai fait face à des adversaires redoutables et j’ai dû foncer et défoncer des portes pour faire ma place dans le milieu. Je suis allée à la rencontre d’inconnus qui m’ont aidée, directement ou indirectement. Je les ai abordés en me fiant à mon intuition, puisque je n’avais aucun réseau professionnel sur lequel m’appuyer.
Il y a 4 ans, j’ai rencontré l’homme de ma vie sur Internet. C’est moi qui lui ai écrit en premier. Dès que j’ai vu son profil, j’ai saisi l’occasion. Nous sommes mariés depuis 2 ans maintenant et j’ai l’impression que tout le bagage d’une vie m’a permis de m’ouvrir à cette relation. Ma petite voix intérieure avait vue juste, appelez cela de l’intuition…